Suis-je un dinosaure ?


J’aurais 59 ans Ă  la fin de l’annĂ©e, donc plus proche de la fin que du dĂ©but de ma carrière. Plus de 35 ans dans le Technologies de l’Information, ça commence Ă  faire. J’ai essentiellement exercĂ© dans les solutions informatiques et le dĂ©veloppement logiciel. Depuis un an et demi, je suis recruteur en TI Ă  MontrĂ©al.

Imagine, j’ai fait mes premiers pas dans l’informatique avec un ordinateur Ă  cassette (Amstrad CPC464), puis je suis allĂ© apprendre le mĂ©tier de programmeur sur de gros ordinateurs aux Ă©crans verts comme on en voit dans les vieux films. Les premiers traitements informatiques sur lesquels j’ai travaillĂ© utilisaient des cartes perforĂ©es, des bandes magnĂ©tiques. C’est dire. Tu n’Ă©tais peut-ĂŞtre pas nĂ©.

Ce matin, comme tous les matins, en bon recruteur, un de mes premiers gestes consiste à regarder les nouvelles sur LinkedIn. Même si je sais que je vais y passer la journée, je regarde les nouveautés.

La nouvelle du jour, c’Ă©tait un post de Sharif Hamed (fondateur de la communautĂ© du Cobol), revenant sur les cartes perforĂ©es (le post de Sharif est ici). Une de mes premières applications professionnelle en Cobol/CICS consistait Ă  remplacer un traitement sur bandes perforĂ©es par un simple Ă©cran de saisie. Je n’ai pas pu m’empĂŞcher de laisser un commentaire, et ai pu constater que je vieillis.

Mon tout premier programme professionnel en Cobol ? Transcrire des montants en chiffres en lettres pour imprimer les chèques. Tu l’as compris, je vais parler ici du monde des projets informatiques et plus particulièrement du dĂ©veloppement (codage).

VoilĂ , c’est dit.

Pour continuer ma journĂ©e sur le mĂŞme ton, j’ai interviewĂ© une candidate en France pour un poste d’analyste d’affaires qui m’a indiquĂ© que sa force, c’Ă©tait ses compĂ©tences mĂ©tiers autant que techniques, et qui lorsque je lui ai demandĂ© quelles Ă©taient ses compĂ©tences techniques, a convenu qu’elles n’Ă©taient que thĂ©oriques. Cette nouvelle gĂ©nĂ©ration qui travaille dans les Systèmes d’Informations, sans avoir mis les mains Ă  l’intĂ©rieur d’un système. C’est le mĂ©tier qui change.

Je vais te raconter ma dernière aventure avec ce petit site pour jouer.

Ce site est sous WordPress, une solution commune pour tous types de sites internet. C’est une solution facile, personnalisable, et c’est la plus utilisĂ©e au monde. On peut s’amuser Ă  l’extrĂŞme, avec ce CMS, en se crĂ©ant des outils personnalisĂ©s par le biais de plugins Ă©crits en Php et Javascript. J’aime bien bricoler avec ça depuis longtemps, coder m’amuse et me dĂ©tend.

Depuis quelques temps, j’avais en tĂŞte de me crĂ©er un plugin permettant d’afficher des lieux sur une carte. Ça m’a pris un soir pluvieux. J’ai expliquĂ© Ă  ChatGpt ce que je voulais, et je lui ai demandĂ© de me donner le code. Il a fallu quelques rĂ©glages, j’y ai bien passĂ© 2/3h parce que j’avançais Ă  tâtons, mais ça marche. Tu vois ou je veux en venir. Pas besoin de dĂ©veloppeur, ou presque.

Alors, c’est clair que je ne conseillerais pas forcĂ©ment Ă  un dĂ©butant de se lancer dans le monde du dĂ©veloppement informatique, car ce mĂ©tier va disparaitre.

Je te parle d’un temps ou, face aux besoins d’un utilisateur, c’est un Analyste DĂ©veloppeur qui s’asseyait Ă  la table pour essayer de comprendre, et proposer une solution avec les outils Ă  sa disposition. Une fois d’accord sur la solution, il partait rejoindre ses copains geek pour coder ce qu’il avait promis dans un temps raisonnable. Il testait ses trucs dans son coin, organisait un plan de tests avec son ami utilisateur ou on vĂ©rifiait que tout fonctionnait bien, et on installait. Un peu de support Ă  la mise en place, et on passait au projet suivant. Simple, efficace.

Pour structurer les bandes de Geeks avec les projets de plus en plus nombreux et complexes qu’on leur confiait, sont apparus les Analystes (une sorte d’interprète spĂ©cialisĂ© dans la comprĂ©hension des besoins), les Chef de projets pour piloter, les Architectes, PO, et tous les autres. Un mal nĂ©cessaire au vu de l’importance croissante des systèmes d’information dans l’entreprise.

Les outils pour coder sont devenus de plus en plus conviviaux et « faciles ». Le code RPG n’Ă©tait pas très compliquĂ©, mais une erreur de position d’un ordre dans un programme et c’Ă©tait mort. DĂ©sormais, tu n’as pas encore fini de taper ta commande que l’Ă©diteur te la propose d’avance, avec toutes les possibilitĂ©s. Waou…… Elles sont loin les cartes perforĂ©es et le RPG. Le mĂ©tier change, c’est normal.

Le codeur, jusqu’ici, restait essentiel Ă  la solution logicielle.

Pour rĂ©duire les couts, certains se sont orientĂ©s vers l’externalisation, le off-shore (L’Inde, certains pays d’Asie et d’Afrique ont pu en bĂ©nĂ©ficier), pas toujours avec succès. Tout le long de ma longue carrière, j’ai eu la chance de faire du codage, parce que j’aimais ça. Plus ou moins, mais je n’ai jamais vraiment perdu le contact.

Maintenant arrive l’IA. Les dĂ©veloppeurs, vous n’avez pas l’impression de rentrer un peu dans le Parc Jurassique, non ?

En moins d’une demi journĂ©e j’ai dĂ©veloppĂ© mon plugin, sans difficultĂ©. C’est clair que le mĂ©tier change.

Je vois de plus en plus de candidatures avec des lettres de motivation ou des CV dont on voit bien qu’ils ont Ă©tĂ© soit gĂ©nĂ©rĂ©s par l’IA soit complètement retouchĂ©s. Certains passent au travers c’est certain.

RĂ©cemment, j’ai Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  un candidat, dont j’ai appris plus tard, qu’il ne savait pas coder, il donnait tout Ă  ChatGpt. Je n’ai rien vu. MĂŞme si mes entrevues ne sont pas toujours très techniques, en gĂ©nĂ©ral j’arrive Ă  bien qualifier mes candidats. Sauf que lĂ , je l’ai pris pour un spĂ©cialiste du domaine, alors que c’Ă©tait un bluffeur. Prudence.

C’est pas trop mon habitude, mais je vais me permettre de le dire : « C’Ă©tait quand mĂŞme pas mal mieux avant« .

« Vieillir c’est vivre », C’est le titre d’une fresque dans MontrĂ©al que j’adore. Vivre, c’est prendre chaque jour une nouvelle expĂ©rience, et acquĂ©rir, j’espère, un peu de la sagesse.

Alors si je peux te conseiller un truc, c’est continue d’apprendre.

C’Ă©tait la rĂ©flexion d’un dinosaure.


Ajout du 2025-09-10

Vu dans un article, l’avis de deux poids lourds de la tech sur le futur de la programmation
Bill Gates : Selon lui, le rôle du programmeur demeure irremplaçable à court terme par l’IA. Malgré les avancées en matière de génération automatique de code, l’intelligence artificielle peine encore à égaler le jugement humain, crucial dans la programmation. Il met en lumière des compétences spécifiques à l’humain telles que la créativité, l’innovation et la contextualisation. Gates souligne que le travail de programmation va bien au-delà de la simple rédaction de code, impliquant une compréhension profonde des problématiques complexes et l’élaboration de solutions sur mesure.
Jensen Huang (PDG de Nvidia) : Envisage un futur où l’IA pourrait non seulement générer du code mais également comprendre et répondre aux besoins des utilisateurs sans intervention humaine directe.